top of page
Notre enquête sur les terres agricoles détruites par le LIEN : Destruction par centaines et non par dizaines d’ha !

Bref rappel de la situation

 

Beaucoup de terres agricoles sont menacées par ladite Liaison Inter-cantonale d’Evitement Nord (LIEN), requalifiée depuis peu en Contournement Nord de Montpellier, de fait un Méga -périphérique reliant deux autoroutes ultra fréquentées (A9/A750). En examinant différents chapitres de l’étude d’impact réalisée lors de l’enquête publique du LIEN de 2014, on arrive à un total de 70 hectares de terres dont 40 ha de zones naturelles et 30 ha de zones agricoles qui sont menacées (Département de l’Hérault, 2014).

 

Mais ces chiffres sont sous-estimés. En effet, le Département de l’Hérault a fait évaluer par des bureaux d’étude les surfaces impactées en fonction de critères spécifiques, tels que les surfaces agricoles utiles ou le tracé à défricher. Ni les terres agricoles à proximité du LIEN ni les projets d’activités économiques tels les ZAC en périphérie des échangeurs n’entrent dans le périmètre de leur analyse. Or sur les 8 kms de tracé du LIEN entre Saint-Gély-du-Fesc et Bel-Air, ce sont trois échangeurs qui doivent être implantés dont un des plus importants de l’Hérault, selon les dires du Département. Ces échangeurs sont situés dans des lieux stratégiques puisqu’ils desservent les zones commerciales (Saint-Gély-du-Fesc/Saint-Clément-de-Rivière), les zones d’activités minières (Combaillaux/Grabels) et les zones d’activités économiques à proximité de l’autoroute A750 (Bel Air).

carte_lien-sos oulala.jpg

 

Pour estimer l’impact global du LIEN et les effets cumulés liés à différents types d’activités, il faut pouvoir prendre du recul et croiser les estimations.

 

La démarche d’analyse choisie

 

La méthode consiste à croiser les informations : partir de la plus petite unité de mesure - celle de l’unité active d’une exploitation agricole telle que considérée par le Département, passer ensuite à une unité territoriale plus large, celle du parcellaire cadastral de défrichement du tracé du LIEN (2020), puis confronter ces résultats avec les surfaces acquises par le Département depuis 2017 à nos jours. Des enquêtes conduites auprès des propriétaires riverains de l’échangeur intermédiaire (l’échangeur du Pradas, près de Grabels) donnent une idée des surfaces effectivement acquises et menacées par le LIEN. Enfin, l’examen des schémas de cohérence et d’orientation territoriaux (SCOT) fournit l’information sur l’implantation et le développement futur des activités économiques prévues dans la zone. Par ce cheminement en cascade entre les échelles territoriales et les projets annoncés, l’idée est de gagner un point de vue argumenté et une vision globale des dynamiques en cours.

 

Les résultats de l’enquête, même partielle, montrent à quel point le Méga-périphérique de Montpellier (avec le LIEN viennent le COM Ouest et le DEM) renforce la dynamique d’urbanisation. Il transforme les terres agricoles, même irriguées, en terrains à bâtir :  en témoignent les centaines d’ha agricoles en cours d’acquisition pour la réalisation du tracé du LIEN et de ses échangeurs facilitant les échanges entre les futures zones d’habitation et d’activités économiques et commerciales.

 

Quatre exploitations agricoles considérées par l’étude d’impact du LIEN

 

Le tracé du LIEN détruirait 10,72 ha de terres agricoles d’après le dossier d’enquête préalable à la Déclaration d’Utilité Publique (Département, 2014). Mais cette méthode de calcul ne prend en compte que les « surfaces agricoles utiles » (SAU) : seules les exploitations agricoles qui déclarent des unités de travail annuelles, qui bénéficient de statuts leurs donnant accès aux aides de la PAC ou qui mettent en œuvre des instruments agricoles tels que les signes officiels de qualité, sont retenues dans le calcul des surfaces agricoles impactées par le LIEN. Au total, uniquement quatre exploitations agricoles situées à Combaillaux et Saint-Gély-du-Fesc seraient impactées par le tracé du LIEN.

4 exploitations a utiles.jpg

Ce tableau fait donc état de quatre unités agricoles considérées comme utiles. L’une d’entre elles est fragile, car elle fait partie de ces exploitations vieillissantes, en voie de cessation, et donc plus facile à préempter ou à acquérir (SCEA Coste Rascle). Seules ces quatre exploitations font l’objet de mesures compensatoires, d’ordre financières, paysagères ou logistiques. Le terme « prélèvement » utilisé par le Département laisse penser qu’il s’agit d’un modique recueil d’un échantillon de terres. Mais comme on va le voir, il s’agit d’une véritable opération de transfert d’usages des terres agricoles vers des terrains à bâtir.

 

Des terres agricoles irriguées menacées

 

Le croisement avec le parcellaire cadastral autorisant le défrichement du LIEN montre les différences d’estimations des terres effectivement impactées. Selon ce parcellaire, sur les 28,2 ha de surface de terres agricoles et naturelles défrichée pour réaliser le tracé du LIEN, la somme des surfaces agricoles déclarées au cadastre (A) concernant uniquement Grabels s’élèverait à 8,9 ha de terres agricoles. Les zones naturelles à protéger (ND) ou des zones de richesses naturelles (NC) totaliseraient le restant (19,3ha). Les quatre exploitations de Saint-Gély-du-Fesc et de Combaillaux spécifiées dans le tableau de l’étude d’impact susmentionné ne figurent pas dans le parcellaire cadastral.

 

Mais ce parcellaire cadastral centré sur le défrichement ne couvre pas l’emprise du LIEN.  Toutes les terres labourées qu’il s’agisse des exploitations agricoles utiles retenues pour l’étude d’impact ou des terres en jachères, plantées en orge ou luzerne ou simplement entretenues par des personnes soucieuses du bien commun qu’ils soient agriculteurs à la retraite ou citadins désireux de maintenir les paysages, n’y figurent pas. Ainsi, une bonne partie de la plaine du Mas de Gentil, « naturellement » défrichée, n’est pas intégrée aux 28,2 ha. du parcellaire cadastral. Or cette plaine est dotée de forages encore en fonction aujourd’hui. Autant de terres agricoles fertiles et irriguées vouées à disparaître qui condamnent l’installation future de jeunes agriculteurs. Une terre, même si elle est en friche, reste une terre cultivable surtout dans un département où l’accès à l’eau est rare.  

 

Plus de 100 ha de terres agricoles menacées, uniquement au niveau d’un des échangeurs (le Pradas)

 

Les expropriations et les acquisitions foncières réalisées par le Département au titre de l’utilité publique du LIEN depuis 2017 constituent un fil conducteur complémentaire. La liste du foncier acquis par le Département pour la réalisation du LIEN demeure confidentielle. Des enquêtes qualitatives conduites auprès des riverains et des propriétaires fonciers donnent une autre perspective. Sans chercher l’exhaustivité, les enquêtes conduites auprès de riverains du LIEN sont symptomatiques des destructions du foncier agricole en cours.

 

Sur la commune de Combaillaux, la propriété Lichauda fait actuellement l’objet d’une acquisition foncière par le Département de l’Hérault. Le « prélèvement » serait d’1,4 ha sur les 10,10 ha de cette propriété agricole située en plaine irriguée. Les terrains agricoles sont clôturés et sont plantés chaque année en orge. Ils sont fauchés puis pâturés par des troupeaux (ovins ou bovins).

lichauda google earth.jpg

Source : Google Earth. La propriété Lichauda, Combaillaux

Aux 10,10 hectares de terres agricoles s’ajoutent 400 m² de hangar et 750 m² de bâtiments incluant la maison d’habitation.

lichauda batiment-web.jpeg

Source : La Mule du Pape, 2021

Concrètement, la propriété agricole sera coupée en deux et les bâtiments seront surplombés par le futur LIEN (en orange, ci-dessous) tandis que la bretelle d’accès traversera les terres (en bleu, ci-dessous).

rubio plan dup.jpg

Source : Département de l’Hérault, croquis transmis par le propriétaire, 2021

Après quarante ans d’existence dans ce lieu, les propriétaires se retrouvent, à l’âge de 80 ans, prisonniers d’une proposition d’encerclement par un carrefour routier dont le trafic quotidien est estimé à plus de 30000 voitures sans compter les camions en provenance de la carrière de Combaillaux (entre 80 et 160 A/R par jour selon les périodes). Aucune solution de repli, ni en termes de vente globale, ni en termes de proposition alternative d’habitation, n’est offerte par le Département.

 

Des négociations sont en cours avec le Département pour que soient réalisés des aménagements « paysagers » pour protéger la maison d’habitation et pour garantir l’accès aux différentes parties de la propriété. Les terrains seront acquis au prix standard du m² agricole en plaine (1,50€ à 2€ le m²) et ce malgré les multiples nuisances immédiates de la route.

 

Outre le problème humain, c’est une future possibilité d’installation agricole qui disparait, car une fois traversées par le LIEN, ces 10ha de terres en plaine pourvues d’un forage ne seront plus cultivées. Le Département ne « prélève » qu’1,4 ha pour le LIEN, mais ce sont 10,10 ha de plaine d’un seul tenant doté d’un forage effectif qui sont appelés disparaitre, car une fois traversées par une des bretelles d’accès et de sortie de l’échangeur du LIEN, la valeur agricole n’est plus la même.

echangeur pradas.jpg

Ces terres de plaine en bordure de périphérique deviennent un emplacement rêvé pour de futures zones commerciales. En poursuivant les enquêtes autour de l’échangeur du Pradas, on constate que les « prélèvements » fonciers réalisés par le Département ne se situent généralement pas en bordure des terres acquises, mais traversent des écosystèmes et coupent en deux les ensembles fonciers.

 

Ainsi, le Groupement Foncier Agricole (GFA) du Montredon, avec 80ha de terres agricoles plantées majoritairement en grandes cultures et en peupleraies, a fait l’objet d’une procédure d’expropriation par le Département en 2020. Malgré les résistances, malgré les procès, l’expropriation n’a pu être évitée. Le seul et dernier espoir de maintien de l’activité réside dans les procédures juridiques en cours.

 

Quelle que soit l’issue de cette procédure juridique, l’expropriation a eu lieu et ce sont 20 ha de terres agricoles qui sont appelées à disparaitre avec cette seule propriété. A terme, c’est l’ensemble de l’activité agricole du GFA qui est menacée car la dynamique économique ne sera plus la même. Selon les termes du gestionnaire du GFA, « c’est la fin du monde », car la route traverse et coupe l’ensemble du domaine.

 

Ainsi, d’après les informations communiquées par les propriétaires et les riverains habitant près du Pradas, ce sont 32 ha de terres agricoles qui sont acquises par le Département. Mais lesdits « prélèvements » réalisés par le Département minorent les coupures exercées au milieu des terres agricoles fertiles et irrigables. Si l’on prend en compte le foncier agricole dans son ensemble, nos estimations montrent que 109ha de terres sont menacées par le LIEN uniquement au niveau de l’échangeur du Pradas.

 

Estimations partielles des surfaces agricoles acquises et menacées par le LIEN

estimations agricul detruites.jpg

Là comme ailleurs, là comme avant, les terres agricoles se transforment en terres urbanisables. Pour mémoire, les habitants du Nord de Montpellier, peuvent se souvenir du Domaine des Vautes situé au Sud de Saint-Gély-du-Fesc dont les terres agricoles ont toutes été progressivement requalifiées en terres constructibles. Aujourd’hui, Intermarché ou le Mégarama s’épanouissent.

 

LIEN : Des centaines d’ha agricoles à bétonner !

 

Le LIEN et en particulier ses échangeurs confirment la règle de l’étalement urbain. Les schémas de cohérence et d’orientation territoriale et les documents de concertation publique indiquent le poids de l’urbanisation à venir. Ainsi, autour du futur échangeur de Bel-Air reliant le LIEN à l’A750, sont prévus l’implantation de l’Ecoparc de Bel-Air et du Mijoulan. Sur la seule zone de Bel-Air / Naussargues, ce sont 72ha de terres qui seront consommées.

 

  •  « Le parc d’activités Ecoparc Bel-Air à Vailhauquès s’étendra à terme sur une superficie d’environ 50 Hectares. Il se trouve à proximité directe de l’A750 et du futur dernier tronçon du LIEN qui relie l’A750 à l’A9 au nord de la ville de Montpellier […] Le LIEN […], génère des opportunités de développement économique plus importantes […] et constitue des portes d’entrées du territoire depuis la Métropole de Montpellier » (CCGPSL, 2019).

 

  • La zone d’activité du Mijoulan située sur le territoire de la Métropole de Montpellier s’étendra sur 22ha et se développera la « polarité économique soumise à procédure spécifique » de la zone de Naussargues-Bel-air (MMM,2019).

 

Quant à l’échangeur de Saint-Gély-du-Fesc, situé à 2 km de Saint-Clément-de Rivière, il ouvre la voie à la construction du projet Oxylane prévoyant de bétonner plus d’une vingtaine d’hectares agricoles (CCGPSL,2019).

 

Voilà encore près de 100 ha de terres agricoles vouées à disparaitre sous le béton lorsque l’on prend en considération les schémas d’orientation territoriaux ou les projets de territoire en cours. L’unité de mesure de destruction des surfaces de terres agricoles par la réalisation du LIEN est celle de la centaine et non de la dizaine d’ha. Même si ces destructions de terres ne sont pas directement réalisées par les travaux du LIEN, la route en est la condition première : sans route, ni accès facilité aux camions, ni lotissements périurbains ni zones commerciales.

 

LIEN = Une Métropole dévorante pilotée par les travaux publics

 

Si l’on suit la logique appliquée au Sud de Montpellier et dans toutes les métropoles de France, les abords des périphériques sont largement urbanisés. On peut supposer que les plaines (la plupart de bonnes terres agricoles) et les plateaux (d’anciens pâturages qui pourraient être réhabilités avec l’installation d’élevages extensifs ou d’agro-foresterie) seront les zones privilégiées pour les hangars commerciaux et la desserte par camions. Car si l’on s’en tient aux déclarations d’élus ou de conseillers tenus lors de la Visio Conférence du 6 mai dernier sur la Transition écologique et les travaux publics, les moteurs de la croissance restent invariablement les mêmes : « Les bâtiments et les travaux publics, sont le pétrole de la Région Occitanie » (Christian Assaf, Conseiller Régional).

 

Il est temps de penser et d’agir autrement ! D'autres villes abandonnent ce type de projet inutile et écocide.

 

Ensemble, individus, militant.e.s et organisations environnementales et citoyennes demandent l’arrêt du LIEN et la mise œuvre des propositions citoyennes pour que le monde de demain soit distinct de celui d’hier .

Dossier d'enquête réalisé par le SOS OULALA, 12 Juin 2021

Téléchargez le PDF

bottom of page