Une soixantaine de personnes installées à Faculté d'éducation de Montpellier le 09 février 2023 ont discuté pendant plus de deux heures des mouvements citoyens et des luttes écologiques contre les grands projets inutiles et imposés en France. C’est sous forme d’échanges entre Kevin Vacher, auteur de l’étude "Les David s'organisent contre Goliath » et SOS Oulala, collectif en lutte contre le périphérique Nord de Montpellier (Contre le LIEN) que ce séminaire organisé par Atécopol-Montpellier a dessiné le bilan national et local des mouvements écologiques.
Lire la Synthèse des débats ci-dessous ; Ecouter les vidéos (en intégral, par parties).
Un dialogue a trois voix s’est instauré entre les intervenants - Kevin Vacher, Hélène Ilbert et Marc Axel Amodt - pour faire l’analyse des modes d’organisation des luttes locales environnementales en prise avec les politiques d’aménagement du territoire au service de la compétitivité. De l’analyse globale à l’étude de cas, de la position de chercheur au témoignage, du national au local, cet atelier a tenté en direct d’élargir les savoirs et les horizons d’actions possibles. Le croisement des savoirs et des expériences a mis en perspective différent types de projets contestés dans leur dimension urbaine, écologique, sociale et économique.
Retour sur le séminaire proposé par Atécopol Montpellier « Mouvements citoyens pour les luttes environnementales ».
Pour ceux qui n’ont pas pu venir, voici les grandes lignes des échanges du débat du 9 février 2023 qui a été enregistré et qui fera l’objet de publications ultérieures.
Kevin Vacher a présenté les résultats de l’étude nationale "Les David s'organisent contre Goliath »conduite il y a deux ans sur 68 mobilisations locales sélectionnées parmi les 370 recensées par la carte interactive du journal Reporterre. Il a restitué dans un premier temps, le portrait type des projets contestés, notamment des trois grandes dimensions qui concernent :
- L’extension urbaine
- La métropolisation
- Les intérêts privés
Sos Oulala, a rebondi sur ces trois dimensions en rappelant que la route est la condition de l’extension urbaine. Hélène rappelle combien « le LIEN est un vieux projet des années 1980 porté par le Département de l’Hérault que l’on croyait oublié et qui s’est réveillé en 2020.
Ce tronçon en construction depuis fin 2021 sur St-Gély-du-Fesc fait l’objet de conflits car il est aujourd’hui un composant stratégique de l’armature urbaine Montpellier puisqu’il est :
- Le contournement autoroutier majeur (A9/A750)
- Le méga-périphérique majeur appelé à recevoir tous les véhicules expulsés du centre- ville de Montpellier avec la ZFE
- La condition de création de nouvelles zones d’activités économiques et de développement d’activités comme celles de la carrière Lafarge située à Combaillaux au Nord de Montpellier et des zones d’activités que ce soit à Saint-Gély-du-Fesc ou Bel-Air/Juvignac et Vendargues. Des centaines d’hectares sont promis à la destruction.
A Montpellier, la métropolisation est en marche. Nos autorités territoriales densifient, étendent et distribuent les marchés d’aménagements. Le pétrole des infrastructures routières constitue un mode de financement majeur. La compétition entre investisseurs du foncier, des travaux publics et des réseaux est stimulée par nos autorités locales. On le voit avec le LIEN, le COM et le DEM ! Hélène invite « ceux qui n’ont pas pu venir au séminaire à se rendre vers le rond-point sud de St Gély du Fesc, le plus grand échangeur de tout l’Hérault, la fierté des ingénieurs du Département ».
L’enquête des David contre les Goliath désigne trois causes principales de conflits qu’on retrouve quel que soit le type de projet contesté :
• L’artificialisation d’espaces naturels ou agricoles (73% des cas étudiés)
• Les effets pour les habitant·es
• Des préoccupations écologistes : Climat, biodiversité, écosystèmes
L’analyse se focalise aussi sur les acteurs porteurs de projets, généralement des autorités locales comme les métropoles-agglomérations (50%) qui emploient des multinationales pour réaliser les infrastructures locales. Attractivité des territoires et dynamique économique sont les moteurs de la croissance.
Sos Oulala développe le fil en rappelant combien le vieux projet du LIEN des années 1980 porté par le Département que l’on croyait oublié s’est réveillé en 2020. Il est le cheval de Troie de la Métropole. Marc Axel précise qu’avec le LIEN, « ce sont 136 espèces protégées qui sont menacées, sans compter les 5 000 espèces qui vivent là mais qui ne sont pas protégées et sans oublier les 80 ha d’espaces naturels, boisements et agricole détruits. C’est aussi le développement de l’urbanisation, des activités Lafarge. Le recours juridique sur la dérogation additionnelle aux espèces protégées porté depuis 2020 par Sos Oulala, GreenPeace, puis FNE-LR oppose la destruction des ressources naturelles et des biens communs à l’utilité publique supposée du tout-voiture. L’examen du dossier juridique est en cours et l’arbitrage devrait se faire sur le fond fin 2023 : nous espérons bien que la justice tranchera en faveur de la préservation des communs. Il faut en finir avec ce grand rêve de l’individu roi à bord de sa voiture avec son gros moteur comme s’il réussissait sa vie avec sa décapotable. Aujourd’hui avec l’effondrement de la biodiversité, Il faut imaginer des alternatives au tout voiture».
Kevin Vacher a alors embrayé sur les stratégies anti-démocratiques d’en face. Les études de cas qu’il a analysées montre les grands axes stratégiques sur les quels jouent les autorités territoriales : démesure, mensonge, mépris, passage en force, clientélisme assorti de stigmatisation et de répression des opposants au projet sont les traits communs de ces politiques d’aménagement de grands projets qui poussent à consommer et à épuiser les ressources et les énergies. Kevin porte alors la réflexion sur les « capacités des collectifs à s’organiser et à lutter face au choc de la démesure et du mensonge des autorités locales. Attachés à leurs lieux, les habitants démarrent la lutte et au fur et à mesure se politisent. On ne demande plus des amendements, mais à 68% les luttes locales évoluent vers l’abandon total des projets ».
L’expérience de la consultation en ligne de 2022 conduite par le Département de l’Hérault transforme le Sos Oulala en parfait cas d’étude : souvenez-vous, le Département a cité dans toute la presse locale les résultats de 2014 en laissant supposer qu’il s’agissait des résultats de 2022. Or à huit ans d’intervalle les résultats sont l’exact inverse. Démesure et mensonges sont des ingrédients habituels de ceux qui nous gouvernent, on dirait !
Kevin restitue ensuite les différents types d’actions classés par rangs d’importance pour les collectifs.
- « La publicisation de la lutte : réseaux sociaux, médias considérés comme « cruciaux » dans 80% des cas.
- L’interpellation des élu·es est une pratique quasi systématique (89% des cas). C’est est également l’une des plus critiquées car elle est souvent considérée comme inutile (31% des cas), à l’instar des pétitions (45% des cas).
- La sensibilisation des riverain·es, par une présence physique et continue avec tractage dans les marchés, affichages dans l’espace public (64% les considèrent comme cruciaux ou importants), etc.
- Le recours juridique, s’il n’est pas le mode d’action le plus récurrent, il est le mode d’action considéré comme le plus « crucial » par les collectifs et associations étudiées (43%, devant les médias – 38%).
- La désobéissance civile : Les collectifs et associations ont globalement conscience de l’insuffisance des moyens d’action juridiques et politiques cités. La désobéissance civile devient un passage obligé.
Ces types d'actions conditionnent les capacités des collectifs à s’organiser et à lutter face au choc de la démesure et du mensonge porté par les autorités locales. Attachés à leurs lieux, les habitants démarrent et au fur et à mesure se politisent. On ne demande plus des amendements, mais à 68% les luttes locales évoluent vers l’abandon total des projets ».
Sos Oulala établit un lien entre types d’actions et processus politique. Les actions-échanges d’expériences, formations, débats, rassemblements, interpellation, information, communication, analyses, recours juridiques, mise en réseaux inter-collectifs - sont indispensables, mais leur degré d’importance varie en intensité selon les moments de la lutte et selon les niveaux d’acceptabilité que l’on arrive à gagner.
La lutte est locale, mais l’enjeu est systémique. Nos luttes sont légitimes car elles sont là pour chercher des alternatives à un modèle climaticide qui nous conduit droit dans le mur. Il nous faut arriver à questionner les nationalement les politiques d’aménagement du territoire et les dispositifs administratifs publics qui favorisent le modèle de croissance au détriment de l’environnement.
Actuellement, l’expérience de la coalition nationale la Déroute des Routes créée début 2022, implique 33 collectifs issus de toute la France. Il nous faut nous auto-organiser en réseau transversal afin de partager expériences et savoirs et afin de construire notre propre connaissance et nos propres actions.
En moins d’un an, nous avons pu élaborer une demande de moratoire sur tous les projets routiers destructeurs en France. On compte 55 projets routiers avec un budget de 18 milliards dont 13 milliards d’argent public alors qu’ils contribuent à artificialiser les sols et à augmenter les émissions de GES (Reporterre, mai 2022).
Au centre de la mobilisation actuelle, il est clair que nous cherchons collectivement les alternatives au tout voiture, au tout béton et à la destruction massive de nos environnements. Non à la machine à délivrer des bons à détruire : oui à la défense des biens communs ! Contre les routes, inventons nos chemins.
Et pour le mot de la fin, Kevin :
« Nous observons ainsi un mouvement social qui s’ignore de moins en moins, proposant un contre-discours cohérent, écologiste, démocratique, social et économique face à un capitalisme prédateur qui ne cesse de s’étendre. Ce mouvement social décentralisé dispose d’atouts majeurs en l’espèce de son inventivité, de ses réseaux, de sa pluralité stratégique et sociologique, de la profondeur de son discours. Des atouts qui lui permettent d’engranger de plus en plus de victoires : la cartographie de Reporterre comptabilise 37 victoires totales ou partielles rien que ces 2 dernières années. Et qui nous donnent autant de raisons d’espérer et d travailler collectivement à le renforcer ! »
Point Presse :
Metropolitan - https://actu.fr/occitanie/montpellier_34172/montpellier-le-collectif-sos-oulala-degomme-le-lien-et-le-com_57153965.html
Extrait Metropolitan, le 09 Février 2023
Le Poing, le 10 février 2023
Info Evènement :
Ouvert aux questions, et aux multiples débats, les intervenants et participants ont construit à la fin de la séance un mini-agenda des luttes écologiques locales-nationales à consolider et à partager bien sûr :
- 3 - 4 Mars : Fridays for Future, Youth For Climate : une action sur Montpellier le 4 Mars. Au menu Arrêt du financement des énergies fossiles et Dénonciation de l'hypocrisie et du cynisme des politiques.
- 10 Mars au soir : Inauguration de la Base (Bar associatif) 15 rue Chaptal Montpellier
- 22 et 23 Mars : Bassines Non Merci, Poitou : Mobilisation internationale Pas une bassine de Plus
- 22 et 23 Avril : Non au LIEN, Balade Ecologique et découverte de lieux en garrigues.
- 3 Juin : A Bure, Contre le Nucléaire, Mobilisation Nationale contre une filière mortifère qui attaque nos Communs. Contre le plus gros projet d'Europe, le chantier du siècle, aussi démesuré que toxique ; très, très, très cher et une éternité à notre échelle humaine : 100 000 ans !
Le 10 Février 2023
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